Eko

+ Eqko : une perspective plus quotidienne sur les avatars de nos sociétés...

30 janvier 2007

Être un bébé médicament ou ne pas être… Deux nouvelles sont tombées en même temps il y a quelques temps : celle selon laquelle il est désormais possible de prélever des cellules souches dans le placenta et le décret d'application de la loi de bioéthique d'août 2004, laquelle est une extension de la loi sur le diagnostic pré-implantatoire qui permet de procéder à ce diagnostic non seulement pour éviter qu’un deuxième enfant ne naisse atteint d’une maladie génétique dans une famille où un enfant ou ascendant est déjà atteint, mais de faire en sorte que celui-ci puisse servir de « médicament » au premier enfant malade, c’est-à-dire lorsque « le pronostic vital de cet enfant [l’enfant déjà malade] peut être amélioré de façon décisive, par l'application sur celui-ci d'une thérapeutique ne portant pas atteinte à l'intégrité du corps de l'enfant né du transfert de l'embryon in utero ». Ce deuxième enfant est ce qu’on appelle un « bébé médicament ». Comme l’explique le site Pomms, « On sait que pour que des greffes aient le plus de chance d’aboutir, il faut que le donneur et le receveur soit le plus compatible possible, c’est-à-dire que leurs cellules soit de types proches, et rien n’est plus proche que deux frères et sœur. Ainsi, la loi permet de rechercher en plus de la présence de la maladie, les embryons dont le type cellulaire est le plus proche de celui de l’enfant malade déjà né. Ainsi à la naissance du deuxième enfant, on pourra prélever des cellules dans le cordons ombilical, et ces cellules pourront servir de base pour un traitement de son grand frère ». Il me semble qu’on n’a pas beaucoup commenté cette utilisation d’un bébé comme medicament (ou alors ça m’a échappé). Il me semble pourtant qu’elle contrevient aux règles les plus généralement admises de l’éthique à savoir qu’on ne saurait utiliser un individu à des fins qui lui soient étrangères (cf., par exemple, la formulation de Kant « Agis de telle sorte que tu uses de l'humanité en ta personne comme en celle d'autrui, toujours comme une fin, jamais simplement comme un moyen. » ou les lois régissant le consentement des individus participant à des expériences médicales). Peut-être peut-on remettre en cause ces règles – et on le fait régulièrement pour toutes sortes de raisons – encore faut-il le dire et en discuter. Les questions éthiques sont en revanche pour beaucoup dans l’accueil fait à la possibilité d’extraire des cellules souches du placenta. En soi, même si elle est intéressante, cette nouvelle possibilité ne me paraît pas une révolution puisque on pouvait déjà extraire ces cellules souches du cordon ombilical (sans parler de l’embryon lui-même). La répercussion qui lui a été donnée tournait toutefois autour de l’espoir de pouvoir extraire ces fameuses cellules souches sans toucher à l’embryon. En ce sens, elle se rapproche de la question du bébé médicament puisque précisément ce que l’on attend d’un tel bébé c’est qu’il fournisse indirectement (par le cordon ombilical ou le placenta) ces cellules. Il semble que cette perspective réjouisse un certain nombre de chrétiens (et certains qui ne le sont pas) puisque pour eux la vie est sacrée, et que le fait de produire des embryons pour en extraire des cellules souches leur paraît proprement satanique. La question que je me pose tient dans une formule : est-ce la vie qui est sacrée ou l’individu ? (J’emploie ici le terme « sacré » de façon métaphorique – non religieuse – au sens de principe suprême mais non transcendant – ce qui n’exclut pas totalement qu’il puisse, dans certains cas, être remis en question.) Je penche personnellement pour la deuxième formulation. D’ailleurs, même dans les milieux religieux, la question de savoir si « l’âme » est présente dès la conception a été débattue – et je ne sais d’ailleurs pas quelle est la position exacte des diverses églises à ce sujet. Quoi qu’il en soit, et pour donner un tour plus concret au débat, est-il plus moral de « produire » un individu en lui accolant l’étiquette (et la fonction) de médicament ou un petit amas de cellules indifférenciées ? Je pense qu’on est en droit de se poser la question et de résister ainsi à la dramatisation de la question de la « vie ». Personnellement, je n’hésiterais pas une seconde à produire quelques cellules pour sauver la vie de mon fils, et peut-être serais-je tentée aussi de lui « faire » un petit frère ou une petite sœur si c’était la seule solution. Mais il ne fait aucun doute à mes yeux que la première solution est infiniment plus « morale » que la seconde, que l’on ait ou non, par ailleurs, envie d’avoir un enfant.

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