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23 décembre 2013

Projet de charte québécoise et mouvement féministe – Notes et références



·         Essentiellement, le projet du gouvernement péquiste vise à interdire le port de signes religieux « ostensibles » à tous les agents de l’état (aussi bien ceux en position d’autorité comme les juges et les policiers que ceux qui occupent des positions subalternes, guichetiers, infirmières, etc.) pour autant qu’ils sont en relation avec le public (du moins je crois  à vérifier)
·         Le projet est présenté comme une volonté d’affirmation de la laïcité de l’état. Cependant, certains éléments semblent contradictoires : notamment le fait qu’au départ, le crucifix suspendu (par Duplessis lui-même) dans la salle de l’Assemblée nationale ne devait pas être déplacé, l’argument étant qu’il revêt une valeur patrimoniale. Le second problème est que la question s’est rapidement concentrée sur la question du « voile» islamique, même si elle touche aussi d’autres signes comme la kippa juive (portée par les hommes). Par le fait même, la population la plus directement visée semble être la population musulmane immigrante féminine. (On notera qu’en Turquie, les réformes kémalistes interdisaient le port du voile et de la barbe. On comprend pourquoi l’état québécois n’est pas allé jusque là : parce que beaucoup de non-musulmans, surtout chez les jeunes, portent une forme de barbe, mais on ne comprend pas pourquoi cela ne s’applique pas au foulard.)
·         En dépit de ce qui précède, plusieurs organisations et personnalités publiques voient dans la charte non pas tant un texte sur la laïcité qu’une loi visant à lutter contre l’oppression des femmes. Trois arguments sont essentiellement avancés :
- le port du voile ne serait pas « libre », il serait imposé aux femmes musulmanes par leur mari – ce qui est évidemment vrai dans certains cas;
- le voile est un symbole de l’oppression des femmes et
- Le fait qu’il ait été imposé dans plusieurs états islamiques imposerait aux autres pays de l’interdire pour s’opposer à cette oppression.
Ces deux derniers arguments sont ceux, notamment, de Djemila Benhabib ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Djemila_Benhabib) dont la position a été critiquée par Patrick Lagacé :
En revanche, La fédération des femmes du Québec s’était opposée à l’interdiction du voile sur les lieux de travail, estimant qu’elle nuirait à l’intégration et à l’émancipation des femmes.
–> Djemila Benhabib, J'accuse la FFQ de trahir le combat des femmes :
De leur côté, plusieurs féministes (dont Françoise David, porte-parole de Québec Solidaire, pensent qu’il y a plus urgent pour aider les femmes immigrantes que de leur interdire de porter le voile, la question de la pression éventuellement exercée sur les jeunes filles par leurs parents jusqu’au mariage forcé ou au crime « d’honneur » en particulier. Or, d’après un article de l’université de Cambridge, ces questions sont à la fois infiniment plus graves et pas forcément reliées à la religion.
§  After analysing the data, researchers concluded that religion and intensity of religious belief were not associated with support for honour killing. Instead, the main factors include patriarchal and traditional worldviews, emphasis placed on female ‘virtue’, and a more general belief that violence against others is morally justified.
·         Une des principales lacunes de la charte et du débat qui s’est développé autour de celle-ci est la difficulté de préciser ce qui sera ou ne sera pas considéré comme signe religieux. On a déjà vu que, pour la barbe, c’était un obstacle majeur mais cela est vrai aussi pour les foulards, voiles, etc.
Pour ce qui est, en particulier du « voile », on ne sait pas très bien de quoi on parle. Le fait de se couvrir la tête était si répandu dans les religions traditionnelles qu’il est difficile de déterminer quel est le couvre-chef qui symbolise l’islam (plutôt qu’une culture particulière). Le Coran lui-même est extrêmement vague sur la question. Il semble même, à lire certains textes, que cacher son visage ait pu être considéré par certains comme un élément du statut social. La première proscription de Mahomet vise ses femmes (pas toutes les femmes) et on parle même dans un texte d’un empereur (mâle) qui ne se montrait jamais à visage découvert. En Europe, le fait de sortir sans chapeau, « en cheveux » a longtemps été associé à un statut dévalorisé (ouvrières, femmes « de mauvaise vie »).
Autant que je sache, le texte de loi ne détaille pas ce dont il s’agit de façon claire et je ne sais pas comment – et par qui – le « tri » devrait être fait.
–> http://fr.wikipedia.org/wiki/Hijab (excellent site, très détaillé)
–> Patrick Lagacé, Une Charte des valeurs et des pictogrammes, mardi 10 septembre 2013 : http://blogues.lapresse.ca/lagace/2013/09/10/une-charte-des-valeurs-et-des-pictogrammes/. [J’ai trouvé trace des pictogrammes auxquels Lagacé fait allusion dans un article du Devoir http://m.ledevoir.com/politique/canada/387470/charte-choc-et-stupeur-au-canada, mais en revanche, je n’ai pas réussi à remonter à la source…]
·         La référence à la France, présente dès le départ, vient d’être renforcée par l’espèce de soutien apporté par le président Hollande à Pauline Marois à l’occasion de son récent voyage à Paris. Selon moi, toutefois, il y a des différences importantes :
- historiques – la séparation entre l’Église et l’État en France après la Révolution s’est accompagnée de l’attribution de la citoyenneté à tous les habitants (excluant les femmes) en mesure de payer le sens, quelle que soit leurs origines ou leur religion (notamment aux juifs – avec des nuances) ce qui était proprement révolutionnaire.
- circonstancielles – l’interdiction de porter un couvre-chef à l’école a été édictée entre autres sous la pression de femmes (ou jeunes filles) musulmanes qui étaient ostracisées et même, le cas échéant, violées parce que leurs agresseurs considéraient que le fait de ne pas porter le voile ou le foulard faisait d’elles des « putes ». À ma connaissance, il ne s’est rien produit de ce genre ici. De toute façon, le débat a été – et reste aujourd’hui – non clos même s’il ne fait plus la manchette. D’ailleurs, même au Québec, les choses commencent à se calmer… La nouvelle ne fait plus recette au bout d’un certain temps!
·         Je pense aussi [ici, il s’agit d’un commentaire personnel] qu’une des principales questions qui se posent aujourd’hui au féminisme soit que le corps des femmes n’a jamais été aussi aliéné à la fois par la pornographie (regardée et payée par des hommes) et par l’ensemble des industries plastiques et cosmétiques (utilisées et payées par des femmes), sans parler des vêtements, de la lingerie, des  chaussures, et des accessoires sexuels. Il y a lieu de se demander dans quelle mesure l’indépendance financière si durement gagnée ne s’est pas transformée en une dépendance généralisée à l’image. S’il y a des hommes qui demandent à leur femme de porter le voile, il y en a aussi qui leur demandent de se faire refaire les seins, les cuisses, le visage, etc. Et il y a des femmes qui ne parviennent plus à vivre (au sens propre du terme) qu’à condition de transformer leur enveloppe corporelle. L’expression « burqa de chair » inventée par Nelly Arcan (et reprise par Nancy Huston) pour désigner cette tyrannie de l’apparence sexualisée devrait nous faire réfléchir. Il se pourrait bien que le string (pour ne parler que d’un des aspects les moins terrifiants de cette course à la séduction) relève en fait de la même sémiologie que la burqa (avec inversion des signes) et que les opérations chirurgicales soient la forme moderne (ou peut-être postmoderne) du voile.
–> Ref : Reflets dans un oeil d'homme, par Nancy Huston :
–> Nelly Arcan, Burqa de chair :



Nota : Les documents officiels relatifs à la charte se trouvent à l’adresse : http://www.institutions-democratiques.gouv.qc.ca/laicite-identite/charte-valeurs.htm

20 décembre 2013

Who Belongs to the Lower Middle Class, and Why Does It Matter? : The New Yorker

Un intéressant aperçu sur les véritables enjeux de la pauvreté aux États-Unis mais aussi, dans une certaine mesure, au Canada et en France.

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